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Travailler sur soi au quotidien :
l’approche de Regard conscient

par Marc-André Cotton

Cet atelier a été donné à l'Université d'été de PEPS, le 2 juillet 2017.


Résumé : Compte-rendu de l’atelier donné à l’Université d’été de PEPS, le 2 juillet 2017, dans une version publique, cette présentation est destinée à faire connaître et pratiquer quelques outils proposés par le site Regard conscient pour travailler sur notre histoire au quotidien. Y sont abordés les concepts de problématique familiale, de structure d’adaptation, de processus de réalisation et de conscience réflexive. Deux outils de conscience sont présentés, à savoir la remontée émotionnelle et le support ou élément déclencheur.


Télécharger ici le tableau Le processus de réalisation


Image No 1 : Présentation

Bonjour à tous, je m’appelle Marc-André Cotton et j’anime, avec Sylvie Vermeulen, le site Regard conscient.

Je vais vous présenter l’atelier que j’ai donné à l’Université d’été du magazine PEPS, en juillet dernier, dans une version publique.

L’idée de cet atelier était de partager notre approche de ce qu’on appelle généralement le « travail sur soi ».

Je ne sais pas si l’expression est bien choisie, puisque le travail a pour étymologie le mot latin trepalium – qui était un instrument de torture !

Dans « travailler sur soi », il y a donc une idée de souffrance qu’il faudrait peut-être interroger.

Et de quel « soi » parle-t-on ? Est-ce qu’on parle de notre être intérieur qui n’a certainement pas besoin d’être « travaillé » ?

Ou de cette enveloppe de protection qui n’est pas « soi » justement, mais à laquelle nous sommes identifiés ?

Donc une expression confuse que ce « travail sur soi ».

Nous pourrions lui préférer l’idée de conscience, d’épanouissement, de réalisation… Chacun trouvera ses mots.

J’ajouterai que nous utilisons quotidiennement les outils que je vais présenter.

Si je me réfère maintenant à l’image que vous avez sous les yeux, n’est-ce pas souvent l’impression que nous donne notre monde intérieur ?

Une sorte de voile confus qui fait écran entre soi et le monde, un voile transpercé par quelques rayons de lumière.

Le couvert végétal – notre protection – est d’une conception admirable, mais on sent qu’il y a derrière quelque chose de plus vaste, de plus lumineux.

Le soleil comme une métaphore de la conscience, si vous voulez.

Je vais donc introduire quelques notions, puis vous parlerai du prolongement que vous pourrez donner à présentation.

Vous pourrez « affûter notre conscience » – si je peux dire !

Et vous verrez que c’est loin d’être une torture !


Image No 2 : Présent et passé…

Je ne crois pas me tromper en disant que nous vivons généralement avec la conviction de ne pas avoir d’histoire.

Nous sommes « dans le présent » – préoccupés souvent, parfois distraits – mais convaincus qu’il n’y a guère d’autre réalité que celle du présent ou d’un passé récent.

À nos yeux, nos émotions n’ont pas d’antécédent : elles sont provoquées par les circonstances – nous sommes « réactifs ».

Certaines situations nous font d’ailleurs réagir de manière récurrente –  mais cela n’entame pas la croyance de ne pas avoir d’histoire.

C’est la première chose que nous allons mettre en cause :

Comment notre passé lointain – notre histoire – influence-t-il notre présent ?

Quelle est l’incidence de cette histoire sur notre vie émotionnelle ? Sur notre humeur au quotidien ?

Nous savons tous que nous portons un héritage, familial, culturel – mais comment s’immisce-t-il dans nos relations et dans nos moindres gestes, en bref dans notre présent ?

Et là, j’aimerais introduire une première notion théorique – théorique pour l’instant – qui est notre structure d’adaptation.

Enfants, nous nous sommes adaptés au seul environnement que nous connaissions, à savoir celui de nos parents.

Nous sommes nés d’eux et avons baigné dans leur complexité, dans leur vision du monde et de la vie.

Nous y avons réagi – parfois violemment – parce que ça n’était pas ce que nous voulions, ça n’était pas ce que nous sentions juste.

À force de frustrations, de contraintes éducatives, d’expériences de vie plus ou moins traumatisantes, nous nous sommes construit des réponses de survie.

En d’autres termes, nous nous sommes adaptés, puis nous avons complexifié ces réponses qui sont devenues nos raisons de vivre, en bref notre structure d’adaptation.

Vu l’importance de cette structure pour notre survie psychologique durant tant d’années, nous y tenons comme à la prunelle de nos yeux.

Ça a été une question de survie ! Cette structure, c’est nous !

Nous parlerons d’identification : nous sommes identifiés à notre structure d’adaptation au point de nous confondre avec elle.

Si je reprends la métaphore de tout à l’heure, c’est un beau feuillage qui nous protège aussi des agressions du monde extérieur…

Mais voilà, les rayons du soleil nous rappellent que le monde est vaste, que notre être intérieur est plus vaste que la structure dans laquelle nous l’avons enfermé.

Et nous sommes fascinés par cette dimension qui nous ramène à notre être profond.

Chacun se souviendra de moments-clés de la vie qui ont décidé d’un élan vers cette profondeur : une rencontre, la naissance d’un enfant…

Des circonstances parfois douloureuses qui ont brisé le train-train quotidien et nous ont persuadé qu’il y avait effectivement autre chose…

Je vous propose de considérer tout cela non comme des aléas de l’existence, mais comme l’expression d’une dimension spécifiquement humaine que j’appellerai le processus de réalisation.

Le plus souvent à notre insu, nous sommes mus par un processus naturel qui nous invite à résoudre la problématique de notre adaptation.

Nous sommes poussés à écarter le feuillage, si vous voulez, à chercher derrière les apparences pour retrouver notre vraie nature, pour réaliser notre dimension consciente.

C’est une dimension propre à l’humain puisque l’être humain jouit d’une conscience réflexive.

Alors comment la faire vivre au quotidien, dans les relations avec nos proches, comment jouir de cette conscience ?

Nous verrons comment tout cela peut s’organiser, mais contentons-nous pour l’instant d’affirmer que nous sommes des êtres conscients mus par le désir de jouir de notre conscience.

Avant d’entrer dans le détail des outils que vous pourrez exercer, retenons donc que nous sommes habités par une structure d’adaptation qui nous sépare du monde, qui nous prive de soleil…

Que nous sommes également mus par le désir profond de résoudre cette problématique adaptative afin de réaliser notre dimension d’êtres conscients…

Evidemment, cela ne va pas sans difficultés – j’appellerai cela des résistances – car nous avons été conditionnés à réagir en fonction de notre adaptation…


Image No 3 : Des outils de conscience…

Puisque nous parlions des émotions, le premier outil que j’aimerais présenter est celui de remontée émotionnelle.

Qu’est-ce qu’une remontée émotionnelle ?

J’imagine que chacun connaît la notion de mémoire traumatique.

Ce sont des circonstances douloureuses qui n’ont pas pu être accueillies en conscience et qui sont restées figées dans l’amygdale du cerveau.

Des ruptures ou des drames qui n’ont pas été verbalisés.

L’émotion reste bloquée, mais nous sommes ainsi fait qu’elle cherche tout de même un chemin vers la conscience.

On sait que les personnes qui souffrent de stress post-traumatique revivent encore et encore la scène qui les a traumatisées.

Eh bien, c’est aussi vrai pour d’autres circonstances a priori moins dramatiques.

Notre mémoire enregistre fidèlement toutes les dissonances qui jalonnent notre existence – en particulier celles de notre prime enfance.

J’entends par dissonance le décalage existant entre ce qui est et ce qui devrait être…

Entre les besoins fondamentaux d’un enfant et ce que son environnement lui prodigue.

Vous me direz : qui peut en être juge ? Eh bien l’enfant lui-même ou plus précisément son être intérieur, sa nature si vous préférez…

Ces dissonances sont engrangées dans notre mémoire sous la forme d’impressions non résolues, avec toutes les colorations des circonstances qui les ont provoquées.

Et fréquemment elles ressurgissent, elles se rappellent à nous.

Elles reviennent dans le présent sous la forme de remontées émotionnelles.

Une remontée émotionnelle, c’est une sensation qui a les caractéristiques d’une réminiscence, mais se présente à notre insu – par exemple une peur soudaine.

C’est le passé qui surgit brutalement dans le présent, avec toute sa charge émotionnelle.

Et là, stupéfaction : on peut être un adulte et replonger brutalement dans une souffrance d’enfance…

Être emporté par ces sentiments au point de nous demander qui nous sommes vraiment…

Sans une certaine conscience du mécanisme de la remontée émotionnelle, cela peut être très angoissant, pour soi et pour les autres…

Nous allons en faire un premier outil de conscience : nous pouvons réaliser l’incidence des remontées émotionnelles sur notre quotidien.

Nous pouvons les accueillir en conscience, c’est-à-dire les reconnaître en tant que messagères de l’enfant que nous avons été.

Leur faire un place non pas dans le présent où elles s’imposent, mais à leur époque et dans leur contexte.

Les valider en quelque sorte, ce qui suppose bien sûr de mettre en cause ce contexte et la responsabilité des adultes de l’époque, souvent nos parents.

Nous pouvons trouver les mots pour en parler et – peu à peu – dégager notre présent de ce passé encombrant.

Dans la partie pratique de cette présentation, c’est principalement cela que vous pourrez exercer : tenter de discerner ce qu’est une remontée émotionnelle et comment vous en libérer.

Mais voyons aussi la notion de support.

Certaines situations, certaines remarques, certains gestes parfois nous précipitent dans une remontée émotionnelle d’une manière quasi automatique.

Et là, nous avons quelque chose d’intéressant, parce que la charge émotionnelle et son caractère récurrent indiquent la présence d’un vécu traumatique non résolu.

Et l’action du processus de réalisation dont je parlais tout à l’heure !

Pour revivre ces sentiments, nous sélectionnons inconsciemment ces éléments – je parlais d’une invitation à prendre conscience tout à l’heure.

Nous dirons qu’à notre insu, nous nous sommes saisi d’un support pour vivre une remontée émotionnelle.

Plutôt que de s’en prendre au présent, nous pouvons nous interroger sur le passé, sur l’origine de cette charge émotionnelle manifestement déplacée.

Nous pouvons explorer la situation et les sentiments qui y sont associés, puis les relier aux circonstances de notre enfance.

Nous pouvons mettre des mots sur ce passé non résolu, utiliser notre conscience pour faire des liens entre nos émotions et les dissonances qui les ont occasionnées.

Rendre à nos parents leur responsabilité dans ces dissonances.


Image No 4 : Le processus de réalisation

J’ai conscience que cette dynamique peut être difficile à appréhender.

Voici donc un schéma qui peut aider à y voir plus clair.

Vous pouvez d’ailleurs le télécharger sur notre site.

Il part du vécu de l’enfant et explique la mise en place de sa structure d’adaptation.

L’enfant est naturellement capable de sentir ce qui est juste pour lui, d’exprimer ses besoins et – avec l’acquisition du langage – de développer sa conscience réflexive.

Sur ce dessin, vous voyez que son élan est déjà entravé – on peut penser aux exigences de l’éducation.

L’enfant est aussi porteur d’une histoire familiale, son élan est donc parasité par des non-dits, des affects contrariés et refoulés.

Ces non-dits se transmettent car le parent est réactif à des endroits précis de son histoire, ce que l’enfant perçoit.

Le parent vit constamment des remontées émotionnelles, il est réactivé dans son vécu non résolu.

L’enfant apprend à ses dépens qu’il y a des sujets sensibles, des tabous…

Le parent va transférer sur l’enfant toute une série d’affects : des peurs, des attentes, des exigences, une impatience à l’endroit de ses besoins.

L’enfant le mémorise et c’est ainsi que les vécus non résolus se transmettent d’une génération sur l’autre.

Plaçons-nous maintenant du point de vue de l’enfant. Sa sensibilité enregistre des dissonances, il exprime sa souffrance – mais n’est pas entendu.

Il garde en mémoire ces dissonances et il les manifeste dans ses pleurs, dans ses colères, puis dans ses jeux.

Il n’est pas identifié à son jeu, il exprime son incompréhension et finit par renoncer à son besoin.

Le jeune adulte, par contre, s’est déjà construit une « image de soi » – par exemple celle d’un grand garçon qui n’a pas besoin de sa mère. On parle alors d’identification.

Le feuillage commence à s’épaissir !

Sa mémoire a conservé tout un catalogue de situations non résolues, plus ou moins traumatisantes, qui interpellent sa conscience.

Ce sont elles qui vont nourrir ses fantasmes et ses remises en scènes.

Chacune d’elles est porteuse d’une prise de conscience qui ramène aux dissonances dont j’ai parlé.

Un besoin essentiel n’a pas été satisfait et les conséquences de cette frustration pour l’enfant n’ont pas été entendues.

Par le travail sur soi, l’adulte peut revenir sur les circonstances de son enfance et rendre à ses parents la responsabilité qui leur revient.

En d’autres termes, il peut résoudre son histoire.

C’est là qu’interviennent les interdits.

La mise en cause des parents implique en effet d’accueillir un vécu refoulé, d’en vivre l’intensité, de lever le voile.

Or toute la structure familiale s’y oppose, toute la société s’y oppose.

Elle s’est construite autour d’un équilibre névrotique fait de non dits et de compromissions justement.

Il y a donc souvent une réaction au dévoilement de ce vécu refoulé – autour de nous, mais aussi en nous.

C’est ce que j’ai appelé les résistances tout à l’heure.

Sur le plan familial elles peuvent prendre la forme d’un roman – c’est-à-dire une réécriture de l’histoire familiale qui évite certaines mises en cause.

Sur le plan collectif, il peut s’agir de ce qu’Alice Miller appelait une théorie bouclier qui innocente les abuseurs.

Enfin, toute une série de constructions sociales qui vont participer à refouler cette vérité à peine dévoilée.

Ce tableau a certainement d’innombrables implications.


Image No 5 : Passer à la pratique...

Pour le prolongement de cette présentation, je vous propose d’explorer la notion de remontée émotionnelle et de support.

Vous allez si possible choisir un partenaire – un ou une ami(e) proche, votre conjoint – et décider de qui parlera et de qui écoutera.

La personne qui écoute pourra intervenir, mais ses questions auront seulement pour but de préciser l’expression de celle qui parle.

Il ne s’agit donc pas d’une conversation habituelle !

La personne qui écoute peut aussi prendre quelques notes qui seront utiles pour le débriefing.

La personne qui parle s’exprimera sur les questions suivantes :

(1)  Quelles sont les situations dans lesquelles je me sens nul(le) ?

(2)  Quels sont le ou les supports ?

Un élément déclencheur, des circonstances particulières.

(3)  Puis-je reconnaître ce qui m’envahit comme étant remontée émotionnelle ?

(4)  À quelle situation du passé me ramène-t-elle ?

Essayez d’explorer toutes les facettes de la remontée émotionnelle et la variété des sentiments qui lui sont associés.

Voyez dans quelle mesure les liens avec la situation passée vous éclairent.

Vous pouvez prendre une demi-heure pour ce travail, mais cela peut durer plus longtemps

Si vous avez le sentiment d’être allé au bout de quelque chose, faites une pause avant de passer au débriefing.


Image No 6 : Débriefing…

Dans cette seconde partie, la personne qui a écouté fait part à l’autre de son ressenti en s’aidant éventuellement des notes qu’elle a prises.

C’est le moment d’aller au-delà de l’émotion et d’exercer votre conscience.

Ensemble, vous allez revenir sur ce qui a été dit et voir dans quelle mesure vous pouvez mieux comprendre les outils proposés.

Il s’agit de préciser ce que peut être une remontée émotionnelle…

Ce que peut être un support…

Dans quelle mesure nous sommes effectivement habités par le passé…

Comment le ressenti et la verbalisation de ce vécu peuvent nous aider à nous en libérer en conscience…

Reprenez les choses dans cet ordre, si cela vous aide.

Vous constaterez certainement que votre existence est littéralement envahie par des remontées émotionnelles qui prennent comme support les aléas de notre quotidien.

Ne vous découragez pas !

Si vous avez été écouté, vous réaliserez sans doute qu’en faisant le lien entre une remontée et un vécu non résolu de votre histoire personnelle, vous pouvez accueillir cette émotion et que cela vous libère.

C’est une première expérience que je vous invite à renouveler, par exemple en échangeant les rôles.

Vous constaterez bientôt que l’exercice de notre conscience est profondément libérateur.

Voilà, je vous souhaite un bon travail sur soi !

© M.A. Cotton  – 07.2017 / www.regardconscient.net